jeudi 24 février 2022

 Women Do Cry, de Vesela Kasakova et Mina Mileva

Critique par Lilou Lo Greco



Women Do Cry est un long métrage à travers lequel on vit l’histoire de femmes, de sœurs, de mères, de filles qui sont toutes liées par le sang, mais surtout par la confrontation face à la société patriarcale en Bulgarie. Les réalisatrices, Vesela Kazakova et Mina Mileva, ont réalisé un film basé et filmé par des femmes, au sujet des femmes, qui nous emmène dans le quotidien d’une sororité de femmes bulgares.

Lorsque l’on regarde Women Do Cry, on voyage entre le rire et les larmes. Nos émotions sont chamboulées tout au long du film par la confrontation entre une atmosphère poétique créée par une composition d’images autant colorées que douces et des scènes parfois plus spontanées qui nous rappellent que c’est une histoire vraie. Ce processus rend le spectateur mal à l’aise et surtout créer une remise en question chez celui-ci sur l’image conservatrice que tient la femme en Bulgarie et même ailleurs. 

Women Do Cry, c’est aussi des moments qui peuvent être choquants et qui nous font travailler les méninges pendant plusieurs jours. On y voit des scènes où des hommes refusent de porter des préservatifs ou une autre dans laquelle un médecin refuse d'ausculter Sonja, atteinte du VIH, au nom de son idéologie libérale. Sonja est le personnage qui nous fait le plus vibrer car elle nous emmène avec elle dans un univers où la joie, la colère, le rire et la tristesse coexistent.

Ce film parle des problèmes que la femme rencontre sur son parcours. Néanmoins, on y retrouve un sous-thème, le VIH. Malheureusement, on se perd parfois entre celui-ci et le problème du patriarcat, l’un cache l’autre et l’autre cache l’un. Si ce sentiment d’un double film peut être frustrant (on aimerait encore plus des deux !), il semble aussi nécessaire : les réalisatrices font cohabiter deux sujets importants qui s’entremêlent pour faire naître un film qui vous fera changer totalement de regard sur le monde qui vous a été caché jusqu’à maintenant.


 Women Do Cry, de Vesela Kasakova et Mina Mileva

Critique par Natalia Vonlanthen



Women Do Cry est une fiction de type particulier car réalité et fiction s’y entremêlent fortement. En effet, le film raconte l’histoire d’une famille en Bulgarie, inspirée de celle d’une des réalisatrices, Vesela Kasakova. On y retrace les trajectoires de femmes qui vivent ensemble, leurs existences étant à la fois singulières et banales. Vesela Kasakova a choisi les femmes de sa famille comme actrices. Le film est donc basé sur leurs expériences, et elles jouent leurs propres histoires. Cette double incarnation amène une intensité époustouflante à leur jeu et à l’histoire.

Veronica souffre de dépression post-partum, délaissée au foyer avec son enfant par son mari. Ana cherche un peu de sens dans l’astrologie et la méditation. Et Sonja apprend qu’elle est séropositive...La maladie de Sonja va cristalliser des non-dits, réunir les femmes de cette famille, et resserrer les liens entre elles. Cette œuvre illustre aussi bien leur fragilité que leur force inouïe, à travers la métaphore de la cigogne blessée.

Ce film est extrêmement riche : beaucoup de sujets sont abordés et plusieurs histoires sont racontées en parallèle, se faisant écho les unes aux autres. Cela transmet un sentiment chaotique, bien propre à l’existence de ces femmes. Les liens familiaux complexes sont traités avec beaucoup d’authenticité et de finesse. Les liens qui les unissent et leur soutien, primordial en ce moment de crise, sont très touchants. J’ai été frappée par la force de caractère et la frontalité de Sonja et Lora.

À travers leurs existences, le film dévoile en partie la réalité politique de la société bulgare post-communiste, notamment concernant la violence de genre. Je dois ajouter que la musique est très révélatrice, belle et émouvante. Il est également très agréable de voir des corps nus filmés sans sexualisation.

C’est souvent absurde, drôle et sombre à la fois, poussant les limites de l’imaginable. On est sans cesse surprises! C’est une véritable ode à l’indépendance, à la sororité, au pardon, dans un monde profondément violent et misogyne.

Bouffée d’air absolument nécessaire!


Introduction, de Hong Sangsoo

Critique par Elisa Revol


Dans Introduction, un film de Hong Sangsoo, on suit Youngho un adolescent de 17 ans qui paraît encore impulsif et naïf. Le court film (60’) est divisé en trois parties qui concernent toutes Youngho. Chaque partie est rythmée par de petites discussions avec différentes personnes de son entourage puis, de silences qui nous laissent à une certaine contemplation. 

Malgré le fait que le film soit découpé en trois parties claires, on n’est jamais vraiment certain de leur chronologie ou ne de leur appartenance à la même histoire. Tout au long du film, on est maintenu dans une sorte d’état d’incertitude. Le fait que le film soit en noir et blanc et soit assez lent le rend plutôt poétique ; quand on visionne ce film, on a l’impression de faire une pause du monde bourdonnant habituel. On se laisse happer dans ce petit univers doux et agréable. Pour autant, Hong Sangsoo nous rappelle à plusieurs reprises que ce qu’on regarde n’est pas la réalité mais bel et bien un film de par ses choix esthétiques :  le noir et blanc, mais aussi des zooms peu fluides, qui sortent le spectateur de son immersion. Un autre détail qui nous rappelle à la réalité sont les contre- jours très violents : à chaque fois qu’il y a une fenêtre, l’extérieur est complètement blanc à cause du contre-jour très marqué, ce qui donne un côté presque irréel à la mise en scène. J’ai fort apprécié ce doux périple entre simplicité et rêverie dans lequel le réalisateur nous a emmené.


vendredi 28 janvier 2022

Life of Ivanna, de Renato Borravo Serrano

Critique 3 par Lilou Lo Greco

Life of Ivanna est un documentaire dans lequel nous suivons une mère de cinq enfants, mais surtout, une femme forte et de caractère qui a eu le courage de fuir une ancienne relation abusive pour poursuivre une nouvelle vie nomade dans une cabane roulante. C’est dans la toundra arctique que nous intégrons le quotidien d'Ivanna. On rentre intimement dans sa vie, grâce à une caméra qui prend le temps d’aller au plus proche des bouts de vie qu’elle capture. Renato Borrayo Serrano, le réalisateur, nous immerge totalement dans un monde inconnu de notre univers occidental. Mais grâce à la sensibilité du regard porté sur les personnages, on ne se sent jamais perdu. Au contraire ! on se sent rassuré et inclus dans leur environnement.

Malgré ce sentiment d’intimité familiale, ne pensez pas que vous allez vous ennuyer lorsque que vous regarderez Life of Ivanna, au contraire. Le film est autant réconfortant que captivant, notamment grâce à la présence des cinq enfants d’Ivanna. On les suit dans leur découverte du monde et leurs jeux d’enfants, on retourne en enfance avec eux.  Malgré tout, on retrouve tout de même une femme à la première place de l’histoire, elle nous inspire et on est forcé à l’admiration plus le film avance et qu’elle se dévoile avec toutes ses valeurs et ses forces.

Après avoir regardé Life Of Ivanna, on se sent perturbés, émerveillés mais aussi un peu frustré d’avoir dû quitter Ivanna, dont on a touché du bout du doigt l’univers. Un film qui bouleverse et fait danser les émotions dans  un mélange nouveau, qu’on aurait jamais pensé éprouver en même temps.   

 Life of Ivanna, de Renato Borravo Serrano

Critique 2 par Elisa Révol

Le réalisateur guatémaltèque Renato Borravo Serrano nous emmène dans la toundra glaciale de la Sibérie à travers le documentaire d’observation Life of Ivanna, qui suit la jeune Ivanna et ses cinq enfants. Renato Borravo Serrano se rend d’abord en Sibérie afin de visiter la ville natale de sa femme. Il y rencontre Ivanna, qui est née dans le même hôpital que sa femme. De cette rencontre nait un documentaire. Nous suivons Ivanna et ses enfants durant quatre ans. Durant cette période, on accompagne Ivanna d’abord dans la toundra où elle vit dans une roulotte de 6m² avec ses cinq enfants, puis dans son déménagement plus tard en ville. On est très vite emportés dans l’univers ardu d’Ivanna, une femme très forte et charismatique, élevant ses enfants seule qui arrivera à fuir une relation abusive. On est  rapidement intégré dans l’univers familial: Renato Borravo Serrano a d'abord vécu 3 semaines avec la famille avant de filmer quoi que ce soit. Lorsqu’il lance sa caméra, les enfants et la mère sont complètement habitués à sa présence et la caméra semble faire partie de la famille. Cela nous donne vraiment un ressenti familier et naturel qui en devient presque accueillant. On a l’impression de vivre ce qu’ils vivent, que cela soit des rires ou des pleurs. On se sent particulièrement proche des enfants d’Ivanna : à plusieurs reprises, on est le témoin de scènes où les enfants sont livrés à eux-mêmes et découvrent à leur tour ce que nous avons déjà découvert auparavant, comme quand un des enfants tente d'ensevelir une lumière projetée sur la neige, en vain. Ces petites scènes du quotidien loin de lasser, rendent ces banalités captivantes – notamment grâce à un montage sonore rythmé de silences et de vacarmes, de rires puis de cris.

Life of Ivanna nous emmène dans un voyage émotionnel et contemplatif. Les émotions se succèdent et se bousculent : d’abord les enfants nous font rire, on les trouve mignons, puis un portrait de la vie dure d’Ivanna pour laquelle on compatit est tiré et enfin on témoigne de l’abus de son mari Gena lors d’une soirée entre amis. Renato Bovarro Serrano propose un film où chacun pourra s'émerveiller en contemplant ce monde plein de mystère. J’ai trouvé ce film émouvant. Je me suis laissé submerger par les émotions parfois légères, parfois pleines de douleurs, mais toujours pleines de beauté.

Life of Ivanna, de Renato Borravo Serrano

Critique 1 par Natalia Volanthen


Ivanna élève ses cinq enfants, seule, dans une petite cabane d’une pièce mobile sur skis, dans la toundra arctique dans le nord de la Sibérie. À 15 ans, elle a dû arrêter ses études car elle était enceinte. Elle est forcée de revenir à la toundra vivre avec Gena, son copain. Ils auront cinq enfants ensemble. Gena, fatigué de la vie dans la toundra, part pour la ville en laissant Ivanna seule avec les enfants. Nous suivons la famille dans son immigration pour la ville de Doudinka. La chaleur et la vie de cet intérieur de cabane contraste avec l’environnement, les paysages magnifiques de la toundra.
Des longs plans fixes permettent une immersion totale dans la vie de cette famille. On nous emmène dans une contemplation des gestes du quotidien. Cette manière de filmer contemplative laisse une grande liberté au/à la spectateur-ice. La beauté réside dans chaque geste. De cette simplicité apparente surgit une richesse immense. Ce sentiment d’immersion et de proximité est accentué par le fait que la caméra se trouve très proche des protagonistes. Malgré cette proximité, on a souvent l’impression que la personne qui filme n’est pas présente, et que la caméra est simplement posée, nous témoignant de cette réalité particulière de nomade.

Dans ce documentaire, il n’y a pas besoin de beaucoup de mots. Les images, très riches, se suffisent à elles-mêmes. On n’a pas besoin de tout comprendre. On suit Ivanna pendant une période de quatre ans en étant au plus proche de ses ressentis. Le film dresse un portrait très fin et touchant de cette femme. Elle a en même temps beaucoup de caractère et une force étonnante (par exemple, elle s’oppose à la tradition interdisant aux femmes de manger un certain poisson), mais aussi une grande tristesse, sa vie étant marquée de contraintes, de frustrations.

Au sein de cette existence difficile (on se demande comment Ivanna ne devient pas folle avec 5 enfants dans une cabane d’une pièce), il y a de forts contrastes avec des moments d’une tendresse et d’une force rares, et beaucoup d’humour ! 

Ce film présente de manière très subtile la profonde quête de liberté d’une femme extraordinaire. À travers Ivanna, on s’interroge sur la recherche universelle de liberté, et sur la possibilité de la trouver dans notre monde contemporain