dimanche 31 janvier 2021

 Festival Black Movie 2021

Critique du film La Verònica, de Leonardo Mendel
Par Raphaël Probst

 

La Verònica

Le film de Leonardo Medel nous fait découvrir Verònica Lara, femme d’un célèbre joueur de foot chilien. Entre shootings photos insipides, course insensée aux abonnés Instagram et haine maternelle, la vie de Verònica est aussi vide que malsaine.
 
La Verònica évoque des problématiques actuelles comme l’importance grandissante que l’on accorde à notre image sur internet, mais aussi des sujets intemporels comme la jalousie mère-fille.
 
L’immersion dans ce conte morbide où le paraître triomphe de l’être est complète. Le pari de faire un film d’une heure quarante en gardant un cadrage unique est particulièrement pertinent et réussi. L’immersion dans cet univers captivant et glaçant est assurée par une maîtrise exceptionnelle de l’hors-champ : une grande partie des actions se déroulent en dehors du cadre. Ce parti pris inattendu laisse place à l’imagination. La lassitude du cadrage est évitée grâce aux idées ingénieuses de mise en scène, ainsi qu’au jeu d’acteur impressionnant de Mariana Di Girólamo. Ainsi, le malaise et l'enfermement de Verònica nous sont parfaitement retranscrits.
 
L’intrigue est bien construite et compréhensible malgré sa chronologie non linéaire. La fluidité des transitions temporelles est assurée par l’attention particulière portée au design sonore. Les couleurs sont tantôt kitsch et saturées, tantôt sombres et crues. Cette dualité lumineuse et colorimétrique met en contraste la vie de rêve superficielle de Verònica et sa vie, elle bien réelle, remplie de jalousie.
 
Leonardo Medel nous livre un film original, intriguant et rempli d’émotions. 
 
Raphaël Probst

Festival Black Movie 2021

Critique du film The Death of Cinema and My Father Too, de Dani Rosenberg
Par Raphaël Cordonier


The Death of Cinema and My Father Too

“La mort du cinéma” sonne cyniquement dans cette période si particulière où l’industrie du film est aux abois et pendant laquelle le réalisateur israélien Dani Rosenberg a choisi de faire paraître son premier long-métrage, telle une incitation à la résistance.

A la frontière entre documentaire et film, l’histoire retrace les derniers mois de vie du père du réalisateur atteint du cancer. Assaf – personnage fictif, alter-ego de Dani Rosenberg – lutte coûte que coûte pour réaliser une fiction dans laquelle Tel-Aviv serait bombardée par l’Iran et où son père incarnerait le personnage principal. Avec la détérioration de l’état de son père, Assaf doit rapidement y renoncer et tente tant bien que mal d’apporter une nouvelle fin à son film avant sa mort, tout en faisant face aux critiques de son entourage, et particulièrement de sa femme qui lui reproche de délaisser complètement la proche naissance de leur enfant au profit des derniers instants de son père.

L’excellent montage en partie réalisé par Nili Feller, forte de 10 ans d’expérience dans le documentaire, alterne réalité et fiction avec divers types de prises (caméra, téléphone, caméscope amateur). Sa structure aura tendance parfois à perdre le spectateur dans une sorte de puzzle qu’on interprète comme un morcellement des souvenirs de son père. Quelques originalités artistiques, comme par exemple une sorte de making-of de la bande son en plein milieu de l’action, nous émerveillent et apportent un réel plus au film. Cependant, les longueurs peuvent avoir tendance à perdre le spectateur.

À travers la musique du film, dirigée par Yuval Semo, Dani Rosenberg a su transmettre une partie de sa propre culture, avec du Kletzmer, musique traditionnelle juive, mais aussi grâce à une reprise d’Arik Einstein, figure de la chanson israélienne, dans le générique de fin. Le tout en appuyant le côté tragique de la mort avec des moments très émouvants, la scène du bain de mer par exemple, où son père semble vivre ses derniers instants de bonheur au sein des flots.

Enfin, l’idée d’avoir lié le funeste destin de son père avec la ruine de son film donne un double sens au long-métrage, qui aura su laisser une trace dans nos têtes comme ultime récompense de cet effort de mémoire ; « tant que le cinéma existe mon père restera en vie » a-t-il confié à l’équipe de la Black TV lors de son interview.

Pari réussi !

Raphaël Cordonier


 

 Festival Black Movie 2021

Critique du film Sister, de Svetla Tsotsorkova
Par Michela Cocchiola


Sister

Svetla Tsotsorkova nous offre un magnifique long métrage avec le film Sister. Il raconte l’histoire de Rayna, une jeune fille qui vit avec sa mère et sa sœur dans une maison au bord d’une route bulgare. Elles créent des statuettes en céramique qu'elles vendent au bord de la route. Le personnage principal, Rayna, ment constamment et ces mensonges lui causent beaucoup de problèmes.

 

La technique visuelle du film est très riche, les couleurs se mêlent bien entre les paysages bulgares, les créations en terre cuite de Rayna et les personnages. Le cadrage est touchant, je pense notamment à la scène dans laquelle Rayna se trouve dans sa chambre à côté de sa sœur. Le plan est filmé en contre-plongée et crée une symétrie entre elles.  Rayna parle à sa sœur d’un trésor qu’il y aurait sous l'escalier de la maison. La sœur aînée est sur son téléphone et l’écoute à moitié. Ce cadrage fait ressortir la divergence entre les deux sœurs. Cette symétrie retranscrit les émotions des personnages, et relève leur intériorité d’une façon très touchante. 

La séquence d’ouverture nous fait comprendre la problématique du personnage. J’ai spécifiquement aimé le champ-contre champ entre Rayna et les clients qui passaient à sa boutique. On pouvait facilement comprendre qu’elle racontait des histoires absurdes à tout le monde afin de vendre le plus possible de statuettes. De plus, la mise en scène du décor, des vêtements, etc. montraient bien la situation économique précaire de la famille. 

La bande-son joue beaucoup dans ce film, les musiques nous font voyager, embellissent la pauvreté de ces paysages bulgares et accompagnent les émotions des personnages. Ce que j’ai trouvé original dans la bande-son, c’est que l’on pouvait entendre le souffle de certains personnages ; ma respiration inconsciemment s'est alors adaptée à celle du personnage, ce qui a rendu le film d’autant plus immersif. 

J’ai beaucoup apprécié ce film. Rayna est très attachante, mais le personnage qui m’a particulièrement touché est celui de Miro. Au début du film c’est un personnage que je n'appréciais pas, suite aux propos déplacés qu’il tient contre Rayna. Mais, au fur et à mesure du film, on trouve une sensibilité dans ce personnage. De plus, c’est un film qui a su me divertir avec ses touches comiques, mais j’ai surtout aimé la morale. Il y a un message d’acceptation de l’autre malgré ces défauts. C’est pourquoi la scène finale, lorsqu'ils cassent un mur de terre ensemble, est puissante, car malgré tous leurs différents ils continuent d’avancer ensemble. 

 Michela Cocchiola