samedi 25 janvier 2020

Festival Black Movie 2020 - Critique du film Dans ma tête un rond point de Hassen Ferhani
Par Karin Diaper


Dans ma tête un rond point




Hassen Ferhani retourne dans son pays d’enfance, l’Algérie, pour y filmer les résidus d’un passé - celui de la colonisation - dont les effets néfastes innervent encore les esprits et se retrouvent dans les difficultés sociales que rencontrent les jeunes algériens actuellement. Un quartier, l’abattoir - désormais détruit en vue d’un plan d’urbanisation - a pu témoigner une dernière. Travailleurs et habitants, jeunes ou âgés, nous délivrent leurs quêtes personnelles et les problématiques sociales qui les tourmentent.  

Tout au long de ce documentaire, en huis clos, la caméra utilise peu l’espace à l’exception de quelques plans larges durant lesquels le spectateur attend la prochaine scène sans que le cadrage ait changé d’angle ou d’échelle de plans. Ce procédé reflète non seulement la monotonie du quotidien dépeint, mais également la patience d’Hassen Ferhani ainsi que la justesse de la place qu’il décide de donner à sa caméra. La prise de vue frontale, qui laisse les personnes filmées s’adresser directement au spectateur aussi bien par leur parole que par leur regard, est tout à fait intéressante. L’audience en devient en effet proactive et interagit avec les paroles transmises portant sur les débris de la colonisation, l’amour ainsi que la dureté non pas du travail en Algérie mais de celui effectué dans ce quartier singulier.
Une volonté de « réalisme » teinte ce documentaire, dont le montage est sincère : les scènes de colère ne sont par exemple pas coupées, ce qui en augmente dès les premières minutes du film l’impact sur le spectateur. Les émotions véhiculées sont quant à elles diverses et vives, notamment amenées par une caméra subjective qui suit, souvent en caméra portée, le regard de plusieurs individus. Par ce procédé, le film accompagne tantôt l’amour rêvé de l’un, tantôt l’humour sans faille de l’autre.
Audacieux et talentueux, Hassen Ferhani n’hésitera pas à sacrifier le traditionnel plan rapproché - qui permet en général de faire un portrait lors d’un témoignage - pour zoomer sur des détails élémentaires comme le portefeuille dans lequel tient toute la vie d’un vieil homme. Ce réalisateur s’aligne alors avec les propos déclarés par le philosophe Confucius : « une image vaut milles mots ». 

Cependant, certains aspects du film comme l’éclairage sont malheureusement moins travaillés. Le film manque de maîtrise lorsqu’il s’agit de s’adapter à l’éclairage particulier qu’est celui des néons qui illuminent l’abattoir la nuit. Les scènes sont souvent surexposées, ce qui éblouit le spectateur et s’avère parfois gênant. Enfin, le défi du réalisateur, qui dit souhaiter filmer un abattoir sans avoir pour thématique centrale la viande qui y est produite, semble difficile à relever. En effet, la grande profondeur de champ de certains plans fixes incite le spectateur à être attentif aux détails environnants, que ceux-ci soit une vache suspendue en l’air par une patte ou un cochon qui gît sur le sol, tous deux inscrits dans un arrière-plan rouge écarlate. Néanmoins, la faible fréquence de scènes sensibles liées à l’abattage souligne le caractère anodin donné à ce travail par les protagonistes. Le spectateur s’aperçoit alors que le montage est quant à lui judicieux, ce qui permet, encore une fois, d’admirer le travail effectué par Hassen Ferhani.

Karin Diaper

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