vendredi 27 novembre 2015

Gagnante du Concours des critiques en herbe édition 2015: Noémi Brunschwiler



Aurora | Rodrigo Sepúlveda
Chili | 2014 | 83'

Dans un univers morne et sombre, “Aurora” retrace le portrait d'une femme chilienne, Sofia, qui tombe par hasard sur un fait-divers d'un journal local annonçant la découverte d'un nouveau-né retrouvé mort dans une décharge publique. Elle reste terriblement émue et de cette nouvelle et, contre toute attente, va se passionner pour l'affaire et se battre envers et contre tout pour ce que ce nouveau-né puisse obtenir une sépulture digne. Elle devra surmonter l'incompréhension d'une opinion publique indifférente, ainsi que les travers et lenteurs des démarches administratives. Le nouveau-né, une petite fille, ne sera réclamé par personne et forcera Sofia à commettre un acte qui semble insensé: adopter le bébé décédé.

Toute l'intrigue est supplantée par un rude décor qui est en contraste avec l'engagement de Sofia: il y est présenté une petite ville oubliée de tous, triste, monotone et polluée. Les couleurs restent ternes et grises, comme la vie des gens qui peuplent ces lieux; indifférents, sans idéaux ni espoirs. Leur horizon s'arrête aux paquebots géants qui hantent la mer au loin, et aux usines fumantes qui hérissent les collines alentour. Néanmoins, ce cadre pour le moins sombre amène à d'époustouflantes scènes en plans larges, notamment avec la mer, lieu omniprésent où Sofia vient se ressourcer et se désespérer, ou avec les industries en arrière-plan. La musique est quasi-absente, seuls les crachats des fabriques et les cris des mouettes se font entendre ; un sentiment de vide s'en détache. De même, les dialogues sont peu nombreux, les gens contiennent leur parole. Les émotions sont pudiquement montrées, et rares sont les secrets des uns et des autres dévoilés car les confidences ne sont pas chose ordinaire là-bas.
L'intrigue développe bien le chemin difficile par lequel a dû passer Sofia, et instaure doucement au spectateur réticent la foi de l'honnêteté de Sofia. Car certes, au début, son attachement extrême pour le nouveau-né qui lui est inconnu semble presque malsain et suscite des interrogations éthiques, mais celles-ci sont vite balayées par la preuve du démènement et du courage incroyable de cette femme dans sa quête justifiée pour restaurer la dignité d'un enfant et lui rendre une identité. De même, le fait qu'elle n'adopte jamais un ton de reproche contre la mère biologique relève d'une capacité de compassion hors du commun. Mais elle n'est pas seule ; son mari, par sa simplicité et son dévouement infaillible, reste le principal soutien de Sofia et constitue un pilier touchant du film. Au final, on se surprend à être très concerné et ému par le combat de Sofia ; on s'insurge avec elle et on ressent au plus profond ses désillusions, ses petites victoires et ses grandes espérances.
L'enterrement, qui signe la fin du film et auquel une foule assiste, c'est la touche d'espoir finale dans ce monde obscur et blafard, et un témoignage d'humanité remarquable. Les derniers mots finalement nous rappellent que le scénario est basé sur une histoire réelle, et que la véritable “Sofia” a continué son chemin et adopté plusieurs bébés à ce jour, poursuivant son engagement de rendre un semblant de dignité à ces nouveaux-nés abandonnés qui donnent désormais un sens à sa vie.
On en reste impressionné 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire