mercredi 29 janvier 2020

Festival Black Movie 2020 - Critique du film Le père de Nafi de Mamadou Dia
Par Theophano Chraiti

Le père de Nafi



Dans une petite ville du Sénégal, un groupe d'extrémistes religieux s'infiltre au sein de la communauté et prend le pouvoir petit à petit. L'imam de la ville entre en guerre contre les radicaux - dont son frère fait partie - et tente de repousser leur domination sur le peuple. Il s'agit d'un sujet actuel et problématique, lui donner une visibilité est important pour informer le public, mais c'est aussi une chose délicate, car cela peut inciter au racisme ou participer, d'une certaine manière, à la propagande du mouvement extrémiste, peu importe le point de vue adopté par le film.

Le film aborde aussi le sujet du mariage forcé. Il met en scène le malheur d'un jeune couple contraint à s'unir et montre l'imam qui tente de protéger sa fill, Nafi, d'un mariage néfaste pour elle. Celui-ci a peut qu'une fois mariée, son héritage soit utilisé par son mari plutôt qu'elle.

Malheureusement, durant le film, l'audience se retrouve face à des personnages peu nuancés: deux frères, le "gentil" et le "méchant", se disputant la ville et les bonnes grâces de leur mère. Le scénario, qui rappelle celui de films hollywoodiens, est très prévisible (le fait que le réalisateur ait étudié à New York y est sûrement pour quelque chose). Enfin, le jeu d'acteur n'est pas toujours convaincant: un personnage sourit alors qu'il aurait dû avoir peur, et aussi bien les dialogues que les expressions faciales des acteurs/rices manquent parfois de naturel.
Malgré cela, deux choses restent positives: il y a sur quelques scènes de la musique sénégalaise très jolie et entraînante, et le message transmis par le film est celui de la paix et de la liberté.

Theophano Chraiti
Festival Black Movie 2020 - Critique du film Le père de Nafi de Mamadou Dia
Par Karin Diaper

Le père de Nafi



Au coeur d’un village, deux frères aux chemins de vie différents se rencontrent pour un ultime duel de coq sur les différentes interprétations qu’ils ont de l’islam, un récit révélant à plus grande échelle à la fois la beauté d’une religion et le côté sombre de l’intégrisme qu’elle peut amener. Ternio et Ousmane sont en rivalité dès leur plus jeune âge. En quête de l’attention de leur père, ils seront réunis une fois adultes par le mariage de leurs deux enfants respectifs.

Ternio est mis en avant dès les premières scènes, aussi bien par son titre religieux qu’est celui d’imam que par sa position au sein du cadre, celui-ci se trouvant constamment au centre de l’image. Le retour d’Ousmane bascule néanmoins l’autorité de son frère et cela est très bien illustré par les plongées sur ce dernier lorsqu’il affronte Ternio. Ce jeu de caméra est constamment maintenu jusqu’à la victoire de Ternio, qui peut - en tant que vainqueur - retourner au centre du cadre pour les dernières scènes de cette fiction. 
Le jeu d’acteur adéquat n’est malheureusement pas acquis par tous. Mansour, qui joue un personnage douteux et sans cœur, ne sait pas véhiculer l’atmosphère qui se veut détachée et froide de son personnage. Son absence d’expressions faciales et sa gestuelle  non fluide - qui normalement aideraient son incarnation – font de lui un acteur qui semble ne pas savoir quoi faire de son corps.


Malgré une volonté du film d’amener un propos intéressant, l’approche assez stéréotypée d’un mariage forcé avantageux et d’un clivage entre deux visions de l’islam amène un voile sur la véritable complexité de la problématique et semble contre-productif dans une actualité qui veut cesser de véhiculer des propos généralisants. Cependant, Le père de Nafi permet d’envoyer un signal d’alarme face à l’intégrisme grandissant, que ce soit dans un village lointain ou chez vous. 

Karin Diaper
Festival Black Movie 2020 - Critique du film Monos d'Alejandro Landes
Par Mélodie Vila Montas

Monos



Monos est un long-métrage qui nous embarque dans un monde extraordinaire. Cette fiction, réalisée par Alejandro Landes, raconte l’histoire de commandos adolescents qui vivent isolés au sommet des montagnes colombiennes.

Dès le début du film, nous sommes face à des plans époustouflants emplis de couleurs complémentaires, qui plongent le spectateur dans un désir constant d’en découvrir un peu plus sur l’intrigue. Le changement de décors au fil du film permet également de nous captiver davantage et suscite, là encore, notre intérêt.


Le contexte de l’histoire nous est révélé peu à peu, ce qui permet aux spectateurs de laisser libre cours à leur imagination au début du film. Effectivement, dès le commencement de la fiction, nous sommes plongés dans une ambiance hostile amenée par un faible éclairage et des paysages régulièrement balayés par d’imposants nuages. Il est impossible pour le public de ne pas se poser de questions sur ces jeunes, qui vivent seuls et qui se comportent un peu comme des animaux. Néanmoins, l’atmosphère mystérieuse présente tout au long du film tient en haleine le spectateur de bout en bout. Finalement, ce long-métrage, ne serait-ce que par les images incroyables qu’il offre au public, vaut le détour.


Mélodie Vila Montas
Festival Black Movie 2020 - Critique du film Buddha in Africa de Nicole Schafer
Par Mélodie Vila Montas

Buddha in Africa



Buddha in Africa est un documentaire suédois et sud-africain de Nicole Schafer qui suit l’histoire d’Enock, un jeune orphelin d’origine malawienne. Enock provient d’un village rural relativement pauvre, dont la culture est montrée par le long-métrage comme antagoniste aux valeurs bouddhistes amenées au Malawi par les chinois qui s’y implantent.

Dès le début du film, le spectateur est captivé par le jeu d’ombres visible à l’écran ainsi que le rythme de la musique qui augmente, captant toute l’attention de l’audience sur le documentaire. D’ailleurs, l’éclairage reste un aspect important durant tout ce long-métrage : nous pouvons observer par exemple une forte intensité lumineuse lorsque le maître bouddhiste ou des professeurs prennent la parole, soulignant l’idée que la culture bouddhiste est en quelque sorte « le chemin à suivre ». Ce chemin, le film le représente par l’histoire d’Enock (prénommé « Alu » en chinois), ainsi que par le parcours d’autres enfants africains qui vivent la même situation : apprendre une langue totalement inconnue et s’adapter à de nouvelles coutumes liées à la nourriture, aux chants traditionnels bouddhistes etc.



La musique qui accompagne ces images est, selon moi, tout à fait pertinente. Et lorsqu’elle est absente, par exemple lors d’une scène d’entraînement au combat armé des élèves, le choix de ne pas avoir mis de musique est adéquat car les bruits que les armes produisent ont un effet quelque part plus impressionnant sur le spectateur que ne saurait l’amener un accompagnement musical.
Je trouve également la composition des plans très significative : le maître/les enseignants sont souvent représentés en hauteur ou debout, toujours en contraste avec les élèves qui ont une position inférieure. Cela nous permet de comprendre l’importance du respect envers les maîtres prônée par la culture bouddhiste. De plus, ce documentaire nous expose l’aspect plus négatif de cet apprentissage culturel. Les entraînements sont par exemple montrés comme intenses, difficiles et contraignants pour les élèves. Le questionnement sur la peur des élèves quant à la perte de leur culture et donc de leur identité est également souvent mis en avant. Beaucoup se sentent exclus, car certains oublient leur langue maternelle et se retrouvent loin de leurs familles durant de longues périodes. Ce dilemme est bien illustré à la fin du documentaire, lorsque les étudiants doivent choisir s’ils veulent partir à Taïwan - où un bon avenir leur est offert - ou s’ils préfèrent rester auprès de leurs familles.
Finalement, ce documentaire permet de nous montrer de belles images de partage entre différentes sociétés en nous présentant aussi bien les aspects positifs que négatifs des deux cultures. J’ai trouvé ce film intéressant et original, car ce long-métrage permet de mettre en avant différents problèmes liés à l’implantation de la culture chinoise au Malawi en ne prenant pas parti et en laissant les diverses personnes impliquées s’exprimer. Je le trouve original non seulement dans la manière qu’il a d’être filmé mais aussi car le sujet traité est un thème jusqu’ici peu discuté et peu présent dans les médias. Toutes ces raisons me poussent à dire que tout un chacun aimera ce documentaire.

Mélodie Vila Montas

samedi 25 janvier 2020

Festival Black Movie 2020 - Critique du film Talking About Trees de Suhaib Gasmelbari
Par Theophano Chraiti

Talking About Trees



Talking About Trees est un documentaire qui raconte l’histoire de quatre amis cinéastes soudanais souhaitant organiser une projection de film. Ils sont nostalgiques de l’époque où le cinéma était encore autorisé dans le pays, et souhaitent faire découvrir cet art à la jeunesse soudanaise. Après des années de régime répressif interdisant toute production artistique, il s’agit bel et bien d’une révolution ! 
Pendant le documentaire, le spectateur les suit dans leur bataille pour obtenir les droits de projection. Le film aborde des thèmes comme celui de la liberté d’expression, l’accès aux ressources ainsi que l’ouverture qu’a sur le monde le Soudan. Il critique le régime en place ainsi que la religion à travers le récit qu’en font ces quatre amis, plein d’humour et dépourvu de haine malgré ces sujets délicats. Ils se moquent gentiment du nombre important de mosquées ou des résultats des “votations”, dont le nombre de voix en faveur du dictateur est supérieur au nombre d’électeurs.

Des extraits de films réalisés par un des quatre protagonistes ainsi que des scènes de discussion dans lesquelles ils parlent de leurs souvenirs permettent de se sentir proche des personnages, de s’y attacher, et de se sentir impliqué dans leur combat.

Theophano Chraiti
Festival Black Movie 2020 - Critique du film Monos d'Alejandro Landes
Par Sacha Radeff

Monos

Huit adolescents, semblant passer du bon temps en camp de vacances dans les montagnes colombiennes, apparaissent en réalité faire partie d’un groupe armé, ayant pour tâche de cacher une otage américaine, prénommée “Doctora”.
Un portrait de jeunesse, d’amour et de violence, d’enfants à qui l’on impose la guerre et ses atrocités, et qui doivent donner du leur dans celle-ci. Le sujet, certes dur, est tout de même traité avec énormément d’humour et d’espoir, et l’image particulièrement soignée amène une certaine beauté à l’atrocité du récit, qu’il s’agisse des portraits des personnages ou de la façon dont est filmée la nature environnante. L’idée d’ajouter ensuite une vache au récit - qui paraît en soi déjà assez burlesque – et que la mort (involontaire) de celle-ci biaise toute la suite de la narration, amène tout un côté loufoque et hilarant. Ce décalage entre narration et réalité dépeinte nous déstabilise ainsi tout au long du film, mais le récit n’en est pas pour autant difficile à suivre, il est même assez simple d’y adhérer en tant que spectateur. En effet, le film traite également d’une absurdité bien plus concrète, celle du non-sens de la guerre présentée, auquel le récit ne donne aucune cause apparente.



La musique, de la techno souvent “saisissante”, nous immerge dans le délire quotidien de ces jeunes. Qu’il s’agisse de la scène du mariage entre deux d’entre eux ou de la fête d’anniversaire d’un protagoniste - qu’ils célèbrent en le frappant de 15 coups de ceinture en se roulant dans la boue - le récit du film est cru, dur, insensé, et pourtant l’audience y accrochera facilement. En plus de cet accompagnement sonore, l’image, particulièrement soignée et de ce fait plutôt esthétisante, nous fait voyager et expérimenter l’action à travers les yeux des différents jeunes.

Le corps humain est par ailleurs sublimé par la représentation qu’en fait Alejandro Landes et les relations qu’entretiennent les personnages principaux sont basées sur leurs contacts physiques. Qu’il s’agisse de scènes d’affection ou de violence, le corps des Monos – nom donné aux jeunes guerriers - est omniprésent et la caméra le met constamment en valeur.


Alors que vous soyez amateurs de cinéma, d'esthétisme plus ou moins convenable, ou encore d’aventures sans queue ni tête qui tiennent tout de même debout, ce film est fait pour vous !

Sacha Radeff